Conseils d’écriture : écrire un roman épistolaire et donner une voix à ses personnages

J’ai commencé récemment à écrire un roman épistolaire. Dans la mesure où c’est la première fois que je me livre à un tel exercice, j’ai décidé de partager mon retour sur expérience et mes conseils d’écriture via une série d’articles. Dans celui-ci, j’aborderai un point en particulier : comment donner une voix différente à chaque personnage et leur donner du relief à travers leurs écrits ?

Le premier article de cette série revenait sur les difficultés anticipées et les raisons m’ayant poussée à choisir ce type d’écriture.

Le deuxième article, lui, s’est focalisé sur mes questions et conseils relatifs à la structuration d’un tel récit. Je reviens notamment sur le changement d’approche : d’un plan chapitre par chapitre à un plan lettre par lettre. Il s’est avéré que cette approche, très utile, n’a pas suffi. J’y reviendrai sûrement lors d’un prochain article, que j’axerai sur les difficultés liées aux contraintes de rythme et de temps dans le roman épistolaire (la Poste ne peut pas faire de miracle… il faut toujours compter un délai d’expédition et d’acheminement des lettres).

Dans ce troisième article, je parlerai de ce qui m’a posé le plus de difficultés à ce jour, et ce même après avoir posé sur papier approximativement 200 pages: donner une voix particulière aux personnages. Une voix, mais aussi du relief.

Pour rappel, mon intention n’est pas de dicter des bonnes pratiques mais de livrer mon ressenti et mon avis à mesure que je progresse dans cet exercice pas évident.

Qui parle comment?

Dis-moi comment tu parles et je te dirai qui tu es? Peut-être. Dans tous les cas, multiplier les personnages implique de multiplier les voix, et ça, ce n’est pas toujours évident à gérer.

Par voix, j’entends la façon dont vos personnages s’expriment à travers les lettres qu’ils s’envoient. Un adolescent de 12 ans ne peut rédiger comme un prof de lettres. Vous voyez l’idée: tout le monde à une façon de s’exprimer qui lui est propre. Les expressions, tons, registres, raisons d’écrire vont varier en fonction de qui manie la plume. Vous avez désormais autant de narrateurs que de personnages non muets (i.e de personnages qui écrivent et dont le lecteur peut lire les lettres).

Donner une voix différente et bien identifiable à chacun, donc, n’est pas une mince affaire, surtout quand vous faites intervenir de nombreux personnages. Petite parenthèse : combien de personnages devront intervenir? Pas de règle, évidemment, mais avec Les Canines Libres, j’ai senti que 5 personnages principaux ne suffisaient pas. Le schéma de narration devenait trop peu varié. J’ai donc introduit au fur et à mesure de nouveaux personnages.

Pour donner leur voix propre aux protagonistes, je me suis basée sur des critères tels que l’âge et la maturité, la personnalité que je souhaitais leur conférer, leur rôle dans l’intrigue (par exemple, qui sert d’élément comique?) ou les rapports entretenus avec leurs correspondants. Cela n’a pas toujours suffi. Quand je suis fatiguée, j’ai tendance à oublier les grands principes de la communication spécifiques au personnage qui s’exprime: arrogance, désinvolture adolescente et puérile, sagesse du maître face à son disciple…

Une astuce m’a beaucoup aidée dans ces moments-là : fournir une voix, sonore cette fois, aux protagonistes. En relisant les lettres dans ma tête, j’adoptais cette voix et cela m’a permis de retrouver plus facilement l’âme du personnage. C’est comme si différents acteurs jouaient votre texte. Attention toutefois à ne pas calquer la personnalité ou les tics de langage de la personne à qui vous “empruntez” une voix.

Des personnages en relief, ou des mots sur du papier en 2D?

Un autre inconvénient, avec la lettre, c’est qu’il faut trouver un équilibre entre le déroulé plat des événements du présent et les rétrospectives trop artificielles. Les personnages ont un passé, vivent des aventures et aspirent à un futur particulier.

Aborder la question du futur, ça va. Chacun peut exprimer ses désirs par écrit comme bon lui semble. Narrer le présent, ça va aussi, encore que! Il est facile de mal doser le tableau du quotidien et de sombrer dans la pure succession de péripéties qui n’ébranlent pas le lecteur, à qui l’on n’a pas donné l’occasion de s’attacher aux personnages. C’est une erreur que j’ai commise dans ma V1. On peut aussi tomber dans l’excès inverse et meubler avec des anecdotes du quotidien vite barbantes ou un coulis de sentiments. En bref, tout est dans la juste mesure, et j’ai trouvé cela particulièrement délicat à calibrer.

Construire le passé des protagonistes, pas une mince affaire non plus. A moins que quelqu’un se laisse aller à un déballage de sa vie dans son courrier (possible à petite dose), il faut ruser. J’ai choisi de distiller des rappels et anecdotes par-ci par-là. Les premières relectures par des personnes extérieures me permettront de mesurer si cela a suffi.

Toutes ces interrogations touchent de près à la question de la gestion du temps dans la rédaction d’un roman épistolaire. Rendez-vous au prochain article pour mon retour sur expérience sur ce point précis!

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